Protection des enfants : déclaration commune CG Paris RP
Paris, le 16 juin 2010
Politique gouvernementale de protection des enfants :
DECLARATION COMMUNE des Conseils généraux de Paris, de l'Essonne, du Val-de-Marne, du Val-d'Oise, de la Seine-et-Marne et de la Seine-Saint-Denis:
" En ce jour de clôture des Etats Généraux de l'Enfance par Nadine Morano, les Conseils généraux de Paris, de l'Essonne, du Val-de-Marne, du Val-d'Oise, de la Seine-et-Marne, de la Seine-Saint-Denis, rappellent que l'Etat ne respecte toujours pas la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l'enfance soutenue par l'ensemble des acteurs (Etat, collectivités, associations).
Réunis le 15 juin à l'Hôtel de Ville de Paris, les départements dénoncent dans l'organisation de ces Etats Généraux l'absence de concertation, de débats et de propositions pour aboutir à une véritable politique de protection des enfants.
A cet égard, ils ont décidé collectivement de ne pas cautionner par leur présence cette manifestation. Aussi, les départements rappellent leur attachement aux valeurs de la Convention internationale des droits de l'enfant, à la loi du 5 mars 2007 et se prononcent :
- pour la création d'un vrai Fonds de Protection de l'Enfance La loi du 5 mars 2007, qui consacre les départements chefs de file en matière de protection de l'enfance, prévoyait la création d'un Fonds de protection de l'enfance destiné à compenser les nouvelles obligations des conseils généraux, qui devait être abondé par l'Etat et la Caisse Nationale d'Allocations Familiales (CNAF).
Alors même que les départements assumaient les nouvelles missions qui leur étaient confiées, le Gouvernement a délibérément retardé la publication du décret de création du Fonds, les privant ainsi de cette ressource nécessaire.
Suite aux recours déposés par de nombreux départements (dont les 6 signataires de la présente déclaration) devant le Conseil d'Etat, l'Etat a été contraint de publier le 17 mai dernier le décret créant ce Fonds, qui serait doté d'un montant dérisoire, très critiqué par l'Association des départements de France : 10 millions d'euros pour 2010, au lieu des 150 millions d'euros estimés sur 3 ans, et qui ne prévoit pas la compensation des dépenses engagées par les départements depuis 2007.
Le compte n'y est toujours pas : les dépenses annuelles de l'Aide sociale à l'enfance de ces 6 départements franciliens s'élèvent à plus d'1 milliard d'euros : assumant leurs responsabilités, ils attendent du Gouvernement qu'il assume les siennes en respectant les termes de la loi votée en 2007.
- pour une véritable prise en charge des mineurs isolés étrangers Le rapport sur les mineurs isolés étrangers en France, adressé le 11 mai dernier par Isabelle Debré au Premier ministre, met une nouvelle fois en évidence la nécessité de traiter cette question en urgence.
Outre l'évolution du phénomène et sa grande diversité, le rapport
* confirme que cette question pèse de manière très inégale sur certains territoires, en particulier en Ile-de-France, où le nombre de prise en charge des mineurs isolés étrangers a augmenté de plus de 200% en 3 ans ;
* rappelle la responsabilité de l'Etat qui est compétent sur les politiques migratoires et les politiques sociales mais aussi sur l'éducation et la formation ;
* émet des propositions qui vont dans le bon sens :
- constituer une plateforme interministérielle confiée à la Protection Judiciaire de la Jeunesse ; - confier à l'Etat les actions de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation de ces jeunes, pour permettre une meilleure répartition des admissions à l'Aide sociale à l'enfance sur l'ensemble du territoire francilien ;
- créer un fonds national d'intervention, très attendu des collectivités impactées, destiné aux départements particulièrement confrontés à l'accueil des mineurs isolés étrangers ;
- régulariser le séjour de ces jeunes sur le territoire, permettant ainsi la mise en place d'un véritable travail éducatif. Les départements forment le voeu que le rapport Debré soit cette fois suivi d'effets et que ces propositions soient mises en place au plus vite, avec un réel investissement de l'Etat.
- pour le maintien du Défenseur des enfants Le Gouvernement a pris la décision, sans concertation, de supprimer cette institution indépendante créée en 2000 sur une initiative parlementaire, en diluant ses missions spécifiques concernant les droits de l'enfant dans l'ensemble des missions du Défenseur des droits.
Alors que le 2 juin dernier, le Sénat s'était prononcé contre la disparition du Défenseur des enfants, les parlementaires de la majorité se sont ensuite ralliés à la position présidentielle et gouvernementale pour faire disparaître le Défenseur des enfants.
Cette suppression, outre le déni de démocratie qu'elle illustre dans la forme, va à l'encontre des recommandations du Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, qui dans son rapport du 22 juin 2009 a demandé au Gouvernement de « continuer à renforcer le rôle du Défenseur des enfants ».
Les départements signataires rappellent que l'institution indépendante du Défenseur des enfants a déjà accompli un immense travail en traitant plus de 20 000 requêtes depuis sa création, et a contribué à faire avancer l'apprentissage et l'exercice des droits de l'enfant en France.
Ils confirment leur attachement à son existence, qui répond à la nécessité de défendre l'intérêt supérieur des enfants.
- pour un accueil de qualité de la petite enfance Le Gouvernement multiplie les mesures destinées à augmenter les places d'accueil, le Président Sarkozy ayant annoncé 200 000 offres d'accueil supplémentaires d'ici 2012. Malgré la contestation des parents, des professionnels et des élus, un décret assouplissant les conditions d'accueil de la petite enfance a été publié le 7 juin dernier.
Face à cette politique du chiffre, les départements signataires :
* dénoncent le risque d'un accueil dégradé, avec plus d'enfants par adulte et des personnels moins qualifiés ; * alertent sur la nécessité de maintenir un niveau de qualité qui garantit la sécurité des tout-petits, notamment par un encadrement adapté en nombre et en qualification dans les structures collectives.
- contre la suppression « systématique » des allocations familiales La suppression systématique des allocations familiales, envisagée par le Gouvernement en cas d'absentéisme scolaire, vient une nouvelle fois renforcer l'idée d'une défaillance des parents dans l'exercice de l'autorité parentale.
Cette mesure coercitive, qui frappe 3 prioritairement des familles déjà fragilisées, est une réponse totalement inefficace à la question de l'absentéisme, qui appelle une réponse éducative en faveur de la réussite de tous les jeunes. Pénaliser les parents sans mobiliser les moyens indispensables en faveur de l'éducation est voué à l'échec.
Le Gouvernement a fait le choix de supprimer des milliers de postes d'enseignants, les services médico-sociaux dans les établissements scolaires manquent de moyens, les classes sont surchargées, les réseaux d'aides spécialisées disparaissent : telles sont les limites posées par la politique actuelle de solidarité nationale.
Ceci traduit une vision dangereuse de la société basée sur des clivages et des préjugés d'un autre âge, quand tout doit être mis en oeuvre pour instaurer le dialogue avec les parents et proposer aux jeunes une école qui vise à l'égalité pour tous. Les départements signataires sont hostiles à l'application d'une telle mesure qu'ils considèrent comme inappropriée pour régler la question de l'absentéisme scolaire, parce qu'elle est disqualifiante à l'égard des familles.
Pour toutes ces raisons, les Conseils généraux de Paris, de l'Essonne, du Val-de- Marne, du Val-d'Oise, de la Seine-et-Marne et de la Seine-Saint-Denis apportent leur soutien aux « Etats Généraux pour l'enfance », qui fédèrent des associations, collectifs, syndicats regroupant des jeunes, des familles et des professionnels de différents secteurs. "
Signataires de cette déclaration :
Claire-Lise Campion, vice-présidente du Conseil général de l'Essonne, chargée de la famille, de l'enfance et de la mission Sud-Essonne
Pierre Coilbault, vice-président du Conseil général du Val-de-Marne chargé de la prévention, de la protection de l'enfance et de l'adolescence, de la lutte contre les exclusions et du développement social
Myriam El Khomri, adjointe au maire de Paris chargée de la protection de l'enfance et de la prévention spécialisée
Viviane Gris, vice-présidente du Conseil général du Val-d'Oise chargée des affaires sociales
Pascal Popelin, vice-président du Conseil général de Seine-Saint-Denis chargé de l'enfance, de la famille et de la santé
Danièle Querci, vice-présidente du Conseil général de Seine-et-Marne chargée de la petite enfance et de l'aide sociale à l'enfance